terça-feira, 20 de abril de 2010

Le dialogue entre les religions

LE DIALOGUE ENTRE LES RELIGIONS

 

Faustino Teixeira

 (traduit du portugais par Therezinha Prado:

therezinhaprado@hotmail.com)

 

 

Introduction

 

     La réalité du pluralisme religieux fait partie inéluctable du scénario du siècle XXI. Il y a une présence grandissante de la diversité religieuse dans le panorama mondial. De partout surgissent de nouvelles religiosités, et des traditions religieuses diverses montrent une grande vitalité. Il s’agit d’une affirmation de l’altérité qui n’est pas toujours accueillie dans sa positivité. Il faut souligner aussi une présence tendue de valeurs et de croyances en vive compétivité. Face à cela, plusieurs stratagèmes sont utilisés pour assurer la plausibilité et l’expansion d’une internalisation religieuse toujours menacée. Si, d’un côté, le pluralisme peut signifier  une ouverture à une nouvelle conversation dialogale et certain degré de tolérance, il tend, d’un autre côté, à accentuer les héritages confessionaux et les dissonances cognitives. Toujours est-il que le pluralisme religieux s’impose aujourd’hui comme une composante “intransposable”, qui défie toutes les religions à l’exercice fondamental du dialogue. Les options actuelles sont três claires, comme l’a montré Hans Kung: ”ou bien la rivalité entre les religions, le choc de cultures, la guerre des nations; ou le dialogue des cultures et la paix entre les religions, comme condition pour la paix entre les nations!”(Kung, 2005:104).

 

 

1 – Le dialogue inter-religieux: une approche

 

     La recherche d’une unité qui préserve et sauvegarde la différence et la liberté fait partie de la nature du dialogue. Le dialogue authentique traduit une rencontre d’interlocuteurs ponctuée par la dynamique de l’altérité, de l’échange et de la réciprocité. C’est dans le processus dialogal que les interlocuteurs vivent et célèbrent la reconnaissance de leur individualité et liberté, tout en se montrant, en même temps, disponibles pour l’enrichissement de l’altérité. L’être humain, parce qu’il se révèle un noeud de relations, ne peut pas être compris de manière détachée de l’autre avec lequel il se communique. Le dialogue constitue, donc, une dimension intégrale de toute la vie humaine. C’est dans la relation avec le tu que le sujet construit et perfectionne son identité. Comme signale Martin Buber, “l’homme devient JE em relation avec le TU”. Il s’agit d’une expérience humaine fondamentale et d’un passage obligatoire à un chemin d’auto-realisation de l’individu et de la communauté humaine.

 

     Ce qui compte dans le dialogue c’est la réciprocité existentielle, la dynamique relationnelle qui embrasse la similitude et la différence dans un processus riche d’ouverture, d’écoute et d’enrichissement mutuels. C’est dans ce contexte dialogal que l’identité gagne une physionomie et un sens, comme expression d’une recherche incessante, ardue et créative.

 

     Entre la grande variété de formes de dialogue, le dialogue inter-religieux se situe avec sa particularité propre. Dans la définition faite par ce qui était alors le Sécrétariat pour les Non-Chrétiens, dans le document Dialogue et mission, ce genre de dialogue concerne l’ “ensemble des relations inter-religieuses, positives et constructives, avec des personnes et des communautés d’autres confessions religieuses, en vue d’une mutuelle reconnaissance et d’un enrichissement réciproque (DM 3). Quand nous parlons d’une mutuelle connaissance, nous sommes devant un défi extrêmement délicat: l’ “art de comprendre”. Comme l’indique Gadamer, comprendre ce n’est pas nécessairement “ être d’accord avec ce que ou avec celui qu’on comprend”, pas non plus rompre avec ses propres convictions fondamentales, mais il s’agit d’un exercice essentiel de recueillement, “pour laisser valoir l’autre” (Almeida et al.,2000:23 et 26). Et quand nous parlons d’un “enrichissement réciproque”, nous sommes en train d’ouvrir un espace pour comprendre le dialogue comme “une échange de dons”.  ILl faut, pour cela,  une disposiion essentielle: la “promptitude à se laisser transformer par la rencontre” (DA 47).

 

     Le dialoge inter-religieux instaure la communication et la relation entre fidèles de traditions religieuses différentes, y comprenant le partage de vie, d’ expérience et de connaissance. Cette communication permet un climat d’ouverture, d’empathie, de sympathie et d’accueil, en déplaçant des préjugés et en suscitant la compréhension et l’enrichissement mutuels, ainsi que le partage de l’expérience religieuse (FABC, 2000; 61). La relation inter-religieuse a lieu entre fidèles enracinés dans leur foi et engagés avec celle-ci, tout em étant également disponibles à l’apprentissage de la différence.

 

     À un niveau plus existentiel, partager le dialogue c’est se disposer à entrer en conversation, ce qui signifie vivre une expérience de frontière. La dynamique de conversation exprime “un lieu inquiétant”, où chaque interlocuteur se voit provoqué à risquer son auto-compréhension actuelle, face au défi qui accompagne l’altérité. Dans le processus de rencontre dialogale, il peut y avoir lieu, soit un changement plus radical, soit un autre changement moins accentué, mais également authentique, par lequel ce qui était différent et lointain devient “véritablement possible” (Tracy, 1997: 142-143).

 

     Le dialogue inter-religieux traduit la richesse d’un nouvel apprentissage: la relation avec la différence et avec l’altérité signifie l’ “appropriation d’autres possibilités” et l’”ouverture à une transformation mutuelle”. Ce défi dialogal, complexe et laborieux est indispensable aux religions. Dans l’absence de cette échange créative, les religions se fragilisent, ayant besoin de l’atmosphère essentielle pour son affirmation et sa croissance.

 

     Le théologien indien Raimundo Panikkar fait ressortir, dans sa réflexion, l’importance essentielle de l’échange vital entre les religions, ce qui rend possible la rencontre de la religion avec elle-même. Il n’est pas possible, à son avis,  de  comprendre à fond une tradition déterminée, sans l’ouverture à d’autres univers religieux, à leur connaissance  et au dialogue avec eux. Et il radicalise encore plus: “celui qui ne connaît que sa propre religion ne la connaît pas véritablement. Il faut connaître au moins une autre religion différente, pour pouvoir situer en vérité la connaissance profonde de la religion professée” (Panikkar, 1998: 74).

 

     Il n’y a pas moyen de connaître une autre tradition religieuse si ce n’est moyennant le dialogue inter-religieux. Pour qu’il puísse y avoir une “juste évaluation” de l’autre tradition religieuse, il faut créer des conditions pour une approche et pour un contact avec elle, ce qui doit être fait avec une  sensibilité et un  respect particulier (DA 14).

 

     Le dialogue requiert une “courtoisie spirituelle” et une ouverture du coeur. Il requiert aussi une espèce de conversion à l’univers de l’autre. Il ne s’agit pas d’ une tâche facile, mais d’un processus qui présuppose inévitablement un état spirituel de détachement et d’hospitalité. Comme le signale, avec raison , Panikkar:

 

“Le dialogue religieux requiert une attitude de recherche profonde,  la conviction de cheminer sur un sol sacré, de risquer notre vie. Il ne s’agit pas d’ une curiosité intéllectuelle ni d’une bagatelle, mais d’une aventure risquée et exigente.  Cela fait partie de ce pélérinage personnel vers la plénitude de nous mêmes, que l’on obtient en dépassant les frontières de notre tradition, en escaladant et en pénétrant les murs de la ville où il n’y a pas de temple parce que l’Illumination est une réalité, comme il est dit dans la dernière des Écritures chrétiennes” (AP 22,5) (Tamayo, 1993: 1. 49).

 

     Pour qu’il y ait un dialogue inter-religieux authentique, il faut reconnaître la valeur du pluralisme religieux comme un pluralisme de principe, ou bien, un pluralisme qui est accueilli positivement dans le dessein mystérieux de Dieu. Comme le signale Claude Geffré, “la pluralité des chemins qui mènent à Dieu continue d’être un mystère qui nous échappe”. (Geffré, 20055:21)

 

    Cependant ce processus d’ouverture au pluralisme n’est pas simple, comme le montre Peter Berger dans ses analyses sociologiques. Le  pluralisme religieux provoque une dissonance cognitive. Le pluralisme cause des “problèmes” parce qu’il désestabilise les “auto-évidences des ordres de sens et de valeur qui orientent les actions et soutiennent l’identité” (Berger et Luckmann, 2004: 71). Aucune connaissance ou interprétation subit impunément cette provocation plurielle. Aucune persepctive n’arrive à s’affermir comme unique et inquestionnable, elle reste toujours ouverte à l’appropriation d’autres possibiités. Et c’est justement cela qui provoque l’insécurité chez beaucoup. Ils ne se sentent pas préparés ni protégés dans un monde “plein de possibilités d’interprétations”. En accentuant les dissonances cognitives, le pluralisme provoque chez des individus ou chez des groupes un sentiment d’insécurité significativement menaçant face à la plausibilité de leur insertion dans le monde.

 

 2. Les axes du dialogue inter-religieux

 

     Le dialogue inter-religieux suppose un partage de vie, d’expérience et de connaissance. Cela se vérifie chez des personnes enracinées dans leur foi spécifique et engagées avec celle-ci, tout en restant disponibles à l’apprentissage de la différence. Pour ses conditions de possibiliteé, voici quelques pistes importantes :

 

  1. La conscience de l’humilité

 

Le dialogue exige, avant toute chose, une disponibilité intérieure d’ouverture et d’accueil. Il implique attention, respect et accueil de l’autre, auquel on reconnaît un espace pour son identité personnelle, pour ses expressions et ses valeurs. La plus grande résistance au dialogue vient de personnes ou de groupes animés par l’auto-suffisance, par l’arrogance et par la hybris totalitaire. Le sentiment de supériorité constitue un réel obstacle au dialogue inter-religieux et ne peut être dépassé qu’`a travers l’expérience fondamentale de l’humilité. On expérimente, dans le dialogue, la conscience des limites et la perception de la présence d’un mystère qui nous dépasse tous. Le dialogue suppose, donc, le discernement de la vulnérabilité et de la contingence. Il commence à exister quand on est capable de reconnaître ses propres limites, quand on assume une attitude accueillante et ouverte, en se laissant transformer par la rencontre. Ce sont les interlocuteurs eux-mêmes qui créent l’espace pour le dialogue, mais cela préssupose une écoute, qui n’aura lieu que lorsqu’elle est précédée par un exercice personnel, en faisant le vide en soi-même. L’expérience de l’humilité est faite lorsqu’on dépasse l’attachement excessif et lorsque le sujet se voit devant le défi de rompre les frontières d’un monde monocromatique pour communier à de nouveaux horizons. Cependant, pour que cette expérience d’humilité puísse avoir lieu, il faut un travail intérieur et patient, avec la création et l’affirmation d’espaces libres pour l’hospitalité.

 

 

b. L’ouverture à la valeur de l’altérité

 

     Il y a, à la base du dialogue, la perception de la valeur de la diversité et la compréhension que celui-ci traduit la richesse de l’expérience humaine. Le dialogue ne peut être établi que si on reconnaît et si on respecte l’altérité de l’interlocuteur et la valeur de sa conviction. En concordance avec la réflexion du théologien protestant Paul Tillich, il faut convenir que le véritable dialogue entre représentants de traditions religieuses différentes ne peut avoir lieu que si on respecte la valeur de la conviction religieuse de l’autre et que l’on admet que celle-ci est fondée sur une expérience de révélation (Tillich, 1968:133). Il est impossible de réduire le mystère de l’autre au domaine du particulier et à la logique de l’assimilation. L’autre humain est un patrimoine de mystère qui se révèle à chaque moment, laissant toujors au-devant une nouvelle virtualité à saisir.

 

     La poétesse Lya Luft a accentué la présence mystérieuse d’un “espace de silence intransposable même chez les amours les plus intimes”. L’autre est un mystère continuel qui échappe à toute analogie ou possibilite de réduction à l’égalité. Sa diversité est singulière: on ne peut pas prétendre “posséder” ou prendre possession de l’autre, car il s’agirait alors d’une privation de sa  singularité. Il cesse d’être “autre”. Quand, dans une relation, on nie la singularité de la différence, l’interlocuteur demeure seul et appauvri. Il y a quelque chose d’irréductible et d’irrevocable dans l’expérience de l’altérité: les mystiques en font l’expérience dans leur relation avec le mystère du “tout autre”, les amoureux  dans la relation avec leurs partenaires et les participants au dialogue inter-religieux dans leur aventure dialogale.

 

     En travaillant le thème de la théologie du dialogue, Bruno Forte signale trois manières para lesquelles l’altérité émerge comme espace de rencontre. D’abord, l’expérience de la merveille. Cela arrive lorsque l’altérité révèle sa force et sa surprise. L’admiration naît précisément de l’ “impact de l’autre”, avec son indédutible et inprogramable présence, qui manifeste, de manière précise, l’incapacité radicale de toute possibilité de possession ou de domination. L’altérité est aussi expérience de l’agonie, dans la mesure où elle convoque la personne à vivre la radicalité d’un exercice de  limite (liminaridade en portugais) et de frontière; d’une lutte avec  l’irrédutable, qui touche les entrailles intéllectuelles et affectives. L’altérité est, finalemente, une expérience éthique, en tant qu’elle signifie l’exigence d’exister pour les autres. C’est cet autre-là qui convoque le sujet à rompre avec son enfermement en soi-même et à donner un peu de soi-même dans la lutte contre la réalité de la douleur dans le monde (Forte, 1999).

 

     Il y a, dans la dynamique de l’altérité, un énigme qui traduit un mystère. La manière dont nous expérimentons le monde est voilée par un “mystère personnel intransposable” (Gadamer, 2002: 246). Il y a chez-elle quelque chose d’unique et de singulier, d’irréductible et d’irrévocable. Ce mystère s’accentue dans la relation avec les autres. Comme l’a bien souligné le théologien Paul Knitter, “plus on essaie de pénétrer dans le monde d’une autre tradition religieuse, à travers nos rencontres personnelles et l’étude des textes, plus on se voit devant um mur de différences qui sont, finalement, incompréhensibles”. (Knitter, 1998:33) L’autre est “mysterium tremendum”, qui ne peut jamais être complété ou réduit dans sa signification ultime. Cette réalité de la différence ne suppose pas l’impossibilité d’ouverture ou de communication, car l’autre est également “mysterium fascinans”, lorsqu’il invite à la rencontre et se dispose à l’apprentissage de la différence.

 

     Il y a toujours une suprise lors de la rencontre avec l’altérité. Elle laisse une marque qui transforme la relation. Comme le souligne Gadamer, “ce qui parfait un véritable dialogue ce n’est pas le fait d’avoir expérimenté  quelque chose de neuf, mais plutôt d’avoir rencontré chez l’autre quelque chose que nous n’avions pas encore rencontrée dans notre propre expérience du  monde”(Gadamer, 2002:247).

 

 

c. La fidélité à sa  propre tradition

 

     Le dialogue inter-religieux présuppose également la fidélité à soi-même et à son propre engagement de foi. La sensibilité dialogale doit être toujours accompagnée d’un ancrage référentiel. Comme le dit une jeune poétesse brésilienne, Ana Cristna César, “il est toujours difficile d’ancrer um bateau dans l’espace”. Les appartenances référentielles sont fondamentales pour toute disposition au dialogue et à l’ouverture: ‘une disposition militante ne naît pas en terre devastée. Il faut appartenir à un lieu quelconque, compter sur une référence sociale stable, foulerr un sol ferme,  pour prendre l’élan d’un vol” (Kehl, 2005).

 

     Ce n’est pas en laissant  la foi en suspens que l’on parvient de manière plus profonde à l’univers de l’autre. Cette traversée présuppose, avant tout, une claire identité culturelle et religieuse, qui doit toujours être nourrie. Selon Jurgen Moltman, “seul est digne de participer au dialogue celui qui a conquis une position ferme dans sa propre religion et va vers le dialogue avec l’auto-conscience correspndante. Seule la domicilité dans sa propre religion rend l’autre capable de la rencontre avec une autre religion” (Moltmann, 2004:28) 

 

        Il n’est pas possible d’être citoyen du monde en dehors  d’un enracinement particulier. L’ouverture dialogale a toujours lieu au sein d’un engagement déterminé, d’une tradition référentielle. Le dialogue gagne en richesse et soutien lorsqu’il est accompagné de l’approfondissement de son propre engagement identitaire. Pour mieux dialoguer, personne n’a besoin de rompre avec la religion de sa propre culture et de son propre héritage.

 

     Il s’agit là, évidemment, d’une identité ouverte, en construction permanente, toujours disponible à la dynamique du don. Un dialogue authentique exige un amour à sa propre tradition: “entre le respect à l’identité personnelle ou confessionnelle et la nature du dialogue existe un lien nécessaire, ce qui est une garantie pour le dialogue” (Tillard, 2001: 35-36). Les fenêtres doivent être toujours ouvertes, pourvu qu’elles soient soutenues par les murs de sustentation. Ou, comme le dit le prophète Isaie, élargir la tente, allonger les cordes et renforcer les piquets (ou supports?) (Is 54,2), En vérité, ce sont ceux qui savent trouver et reconnaître la valeur de leurs propres traditions et cherchent leur approfondissement permanent, qui se trouvent en “meilleure position pour apprécier et évaluer la préciosité des autres traditions” (Dalai Lama, 1999:56).

 

d. La recherche commune de la vérité

 

     Pour qu’il y ait un dialogue, il faut que les interlocuteurs soient disposés non seulement à apprendre et à recevoir les valeurs positives présentes dans les traditions religieuses des autres, mais également disponibles et ouverts à la vérité qui les enveloppe (?) et les dépasse. Il est indispensable que cette recherche de la vérité ait lieu sans restricion mentale, en esprit d’accueil et d’ouverture, car personne ne peut prétendre une assimilation pleine de cet horizon qui est toujours au-devant. Dans la encontre avec l’autre, une possibilité s’ouvre de capter des dimensions inusitées de cette vérité qui est aletheia: permanent dévoilement. L’autre est capable de permettre à son interlocuteur, dans le dialogue, la captation de certains aspects ou des dimensions du mystère divin qui échappent à son regard. Comme le souligne Schillebeeckx:

 

“Il y a plus de vérité religieuse dans toutes les religions dans leur ensemble que dans une seule religion, ce qui vaut aussi pour le christianisme. Des aspects “vrais”, “bons”, “beaux” - surprenants – “existent, donc, dans les multiples formes (presentes dans l’humanité) de pacte et d’entente avec Dieu, des formes qui n’ont pas trouvé et qui ne trouvent pas de place dans l’expérience spécfique du christianisme.”

(Schillebeeckx, 1993: 215).

 

     Toute croyance religieruse exprime un lien particulier, une manière d’attacher le mystère toujours plus grand à une image spécifique. Les liens sont comme des “noeuds” qui attachent et modèlent la compréhension, en traduisant um monde de sens. Chaque lien en particulier indique une compréhension de la réalité et de la vérité, quoique toujours limitées. Ce qui rend difficile le dialogue c’est l’incapacité de comprendre que la réalité ultime ne peut pas être limitée aux images particulières des croyances. Celles-ci se trouvent enveloppées par l’énigme de la gratuité de Dieu et participent d’une symphonie toujours ajournée (“symphonie toujours différée’). Donc, les traditions religieuses portent avec elles um caractère fragmentaire: elles sont toujours en chemin et enveloppées de richesses inusitées que le Dieu munificient  a concédé  aux peuples et à la création (AG 11)

 

e. L’oecumène de la compassion

 

     L’impératif de la compassion est un trait qui accompagne les différentes traditions religieuses. Loin d’être identifiée à un simple sentiment de pitié ou de commisération, la compassion est le désir profond de remédier toutes les formes de souffrance qui détruisent l’humanité et la création. Elle est comprise, surtout, comme une empathie, comme le soin et la responsabilité face à tous nos semblables, et três particulièrement face à ceux qui souffrent.

 

    Par oecumène de la compassion il faut comprendre la convocation faite à toutes les religions en vue d’assumer la responsabilité globale d’affirmation de l’humain et de garantie de la dignité de la création. Aujourd’hui une conscience grandit en ce sens que la souffrance des êtres humains et la devastation de la planète doivent consituer la base fondamentale pour la rencontre et le dialogue entre les traditions religieuses. Dans la vision de Metz, c’est autour de cette question que nous avons le grand défi face à la “coalision des religions en vue du salut et de la promotion de la compassion sociale et politique dans notre monde’(Metz, 2003:398)

 

     La douleur du monde et la souffrance des pauvres et des exclus traduisent un nouveau défi aux religions et signalent vers un nouvel “kairós” hermeneutique em vue de la rencontre des religions. Dialoguer pour ne pas laisser mourir. La réalité de la souffrance injuste et innocente provoque l’exercice de la compassion, en touchant les cordes les plus profondes du sentiment religieux en faveur d’un nouveau comportement éthique.

 

     La compassion est la condition de possibilité  d’un dialogue ayant la prétention d’être renovateur.Très souvent, c’est de l’exercice inter-religieux de compassion sociale et de sensibilisation face à la souffrance des autres que naissent de riches iniciatives de collaboration commune. Une collaboration qui peut rompre des barrières doctrinales et favoriser un nouveau mouvement de compréhension de l’altérité et d’un mutuel enrichissement entre les interlocuteurs.

 

     Dans un interview publique en décembre 2006, Panikkar a souligné que la question de l’avenir concerne la conversion des religions. Tandis que dans le passé les religions se centraient sur la préoccupation de convertir les autres, le nouveau défi à vivre concerne leur propre conversion. D’après lui, les religions devraient “moins se concentrer sur le nirvana, la mukti le salut, le ciel, et ainsi de suíte, pour tourner leurs efforts vers la guérison des blessures humaines, guérir les plaies historiques de l’humanité, en un mot, se centrer sur  la culture de la paix plustôt que sur la prédication du salut” (Panikkar, 2006)

 

 

3. Dialogue et spiritualité

 

     Toutes ces pistes pour le dialogue inter-religieux sont mieux comprises et vécues lorsqu’elles baignent dans une spiritualité particullière, dans un travail intérieur de détachement et d’ouverure. Comme l’a bien montré L. Boff, c’est au sein de la spiritualité : “que les grands rêves  irrompent vers le haut et le devant, des rêves qui ont à voir avec l’expérience profonde de l’être humain, avec l/  ’”expérience intégrale de la vie”.

 

“La singularité de l’être humain consiste à expérimenter sa propre profondeur. En s’écoutant soi-même, il se rend compte que de sa profondeur émergent des appels de compassion, d’amorisation et d’identification avec les autres et avec le grand Autre, Dieu. L’être humain se rend compte qu’une Présence l’accompagne toujours, qu’un centre autour du quel s’organise la vie intérieure et à partir du quel de grand rêves et des sgnifcations ultimes de la vie sont élaborées. Il s’agit d’une énergie originaire, avec le même droit à la citoyenneté que d’autres énergies comme l’énergie sexuelle, émotionnelle et intellectuelle” (Boff, 2006).

 

     Le dialogue doit commencer à l’intérieur de chacun, en créant et em favorisant des espaces d’hospitalité. Avec une réflexion expressive, Dalai Lama souligne que “l’intention de toutes les plus grandes traditions religieuses n’est pas celle de construire de grands temples extérieurs, mais de créer des temples de bonté et de compassion intérieures en nos coeurs. Toute religion plus grande possède le potentiel nécessaire pour créer cela” (Dalai Lama, 1999:54).

 

     De bons interlocuteurs pour le dialogue sont ceux qui vivent en paix avec eux-mêmes, ceux qui vivent l’expérience d’un coeur capable d’accueillir des formes diversifiées, libéré  de l’arrogance et de la volonté de pouvoir. Il y a un lien intime entre le dialogue inter-religieux et la spiritualité. Comme le montre Panikkar:

 

“La rencontre des religions a une indispensable dimension expérientielle et mystique. Sans une certaine expérience qui transcende le règne mental, sans un certain élément mystique dans sa propre vie, on ne peut pas s’attendre à dépasser le  particularisme de sa  propre réligiosité et moins encore de l’agrandir et de l’approfondir, face à une expérience humaine différente.”

 

     Ce n’est pas sans raison que le partage des expériences de prière et de  contemplation, comme expression de recherche du Mystère, vient identifiée au niveau le plus profond du dialogue inter-religieux (DM 35). Ce dialogue est, surtout, um acte religieux, un acte spirituel, car il présupose une attitude de confiance et de remise de soi  à un mystère toujours plus grand. Le dialogue ne peut rien exiger de l’autre, si ce n’est la disposition de l’écouter, de le comprendre et de le respecter. Ce qui se passe dans le dialogue n’est pas forcément un changement de religion, mais une “conversion mutuelle”, la célébration commune d’une vérité toujours plus grande qui provoque la transformation des interlocuteurs et de leur forme d’appropriation de leur propre foi.

 

     Ceux qui, dans le christianisme, travaillent dans la ligne d’une perspective mystique, renforcent la conviction toujours plus claire  que, plus on approfondit et on pénètre dans l’expérience religieuse, rendue possible à l’intérieur de  sa propre tradition, plus la conscience grandit que la Réalité expérimentée ne se limite pas à sa propre religion.Dans l’apogée de sa réflexion théologique, Paul Tillich a eu , de manière extrêmement profonde, l’intuition , en indiqant le chemin de la profondeur, comme condition essentielle  pour dépasser une particularité limite du christianisme: il ne s’agit pas d’un chemin qui pousse à l’abandon de sa propre tradition religieuse, mais de son approfondissement moyennant la prière, la pensée et l’action. Pour lui, “dans la profondeur de toute religion vivante il y a un  point où  la religion, en tant que telle, perd son importance et l’horizon vers lequel elle se dirige provoque la rupture de sa particularité, en l’élevant à une liberté spirituelle qui rend possible un nouveau regard sur la présence du divin dans toutes les expressions du sens ultime de la vie humaine”(Tillich, 1968: 173).

 

 

Conclusion

 

    En ce début du XXIème siècle, les Églises chrétiennes font face à un défi extrêmement important: l’ouverture au pluralisme religieux et l’exercice dialogal avec les autres traditions religieuses en profond respect à leur dignité et à leur valeur. Nous nous trouvons devant une occasion unique de racheter la crédibilité qui s’est trouvé blessée par de positionnements répétés de manque de respect et de discrédit de la diversité religieuse et du pluralisme religieux. Il faut pourtant un changement décidé de perspective écclésiale, qui puísse rompre le routinier malentendu et qui veille à la véritable rencontre avec l’autre. Il n’est plus possible de maintenir des attitudes hostiles ou un vocabulaire nuisible par rapprt à d’autres religions. Il faut recupérer l’ ”esprit de dialogue” essentiel et une attitude plus positive et optimiste face aux desseins mystérieux  de Dieu pour l’humanité. Être aussi capable de percevoir et d’accueillir, avec joie, les richesses débordantes de la “sagesse infinie et multiforme de Dieu”(DM 41) qui se répandent à travers toute l’histoire et suivre, avec un enthousiasme toujours renouvelé, les élans de l’Esprit. Le pluralisme est un don non seulement accepté, mais désiré par Dieu. Toutes les personnes doivent être respectées dans leur droit inaliénable de chercher la vérité en question religieuse, selon les règles de leur conscience. Et les religions doivent être respectées dans leur dignité singulière et unique.

 

Bibliografie

 

ALMEIDA, C.L.S. et al.  Hermenêutica filosófica. Porto Alegre: EDIPUCRS, 2000.

BERGER, Peter L. & Thomas LUCKMANN. Modernidade, pluralismo e crise de sentido. A orientação do homem moderno. Petrópolis: Vozes, 2004.

BOFF, Leonardo. Espiritualidade, dimensão esquecida e necessária:

http://www.cuidardoser.com.br/espiritualidade-dimensao-esquecida-e-necessaria.htm (acesso em 13/08/2006).

DALAI LAMA. O Dalai Lama fala de Jesus. Rio de Janeiro: Fisus, 1999.

FABC. Teses sobre o diálogo inter-religioso. Sedoc, v. 33, n. 281, julho-agosto de 2000.

FORTE, Bruno. Teologia in dialogo. Milano: Raffaelo Cortina, 1999.

GADAMER Hans-Georg. Verdade e Método II. Petrópolis: Vozes, 2002.

GADAMER, Hans-Georg. Da palavra ao conceito. A tarefa da hermenêutica enquanto filosofia. In:

GEFFRÉ, Claude. A crise da identidade cristã na era do pluralismo religioso. Concilium, v. 311, n. 3, 2005.

HAIGHT, Roger. Jesus símbolo de Deus. São Paulo: Paulinas, 2003.

KEHL, Maria Rita. Não se fazem mais jovens como antigamento. Agência Carta Maior, 02/02/2005 (V Fórum Social Mundial).

KNITTER, Paul. Una terra molte religioni. Assisi: Cittadella Editrice, 1998.

KÜNG, Hans. O islamismo: rupturas históricas – desafios hodiernos. Concilium, v. 313, n. 5, 2005.

METZ, Johan Baptist. Proposta di programma universale del cristianesimo nell´età della globalizzazione. In: Rosino GIBELLINI (Ed.) Prospettive teologique per il XXI secolo. Brescia: Queriniana, 2003, pp. 389-402.

MOLTMANN, Jürgen. Experiências de reflexão teológica. Caminhos e formas da teologia cristã. São Leopoldo: Editora Unisinos, 2004.

PANIKKAR, Raimon. Entre Dieu et le cosmos. Paris: Albin Michel, 1998.

PANIKKAR, Raimon. Religión (Diálogo intrarreligioso). In: Casiano FLORISTAN & Juan José TAMAYO (Eds). Conceptos fundamentales del cristianismo. Madrid: Trotta, 1993, pp. 1144-1155.

PANIKKAR, Raimon. La nuova innocenza 3. Sotto il Monte: Servitium, 1996.

PANIKKAR, Raimon. Entre Dieu et le cosmos. Entretiens avec Gwendoline Jarczyk. Paris: Albin Michel, 1998.

PANIKKAR, Raimon. In cerca di Dio vivendo a calvalcioni. Jesus, v. 28, n. 12, dicembre 2006 (dossier – il dialogo conversione necessaria).

PONTIFÍCIO Conselho para o Diálogo Inter-Religioso. Diálogo e Anúncio. Petrópolis: Vozes, 1991 (DA).

SCHILLEBEECKX, Edward. História humana revelação de Deus. São Paulo: Paulus, 1994.

SECRETARIADO para os Não Crentes. A Igreja e as outras religiões. São Paulo: Paulinas, 2001 (DM).

TILLARD, Jean-Marie. Dialogare per non morire. Bologna: EDB, 2001.

TILLICH, Paul Le christianisme et les religions. Paris: Aubier, 1968.

TRACY, David. Pluralidad y ambigüedad. Madrid: Trotta, 1997.

 

………

 

 

 

 

Faustino Teixeira est docteur em Théologie par la Pontifícia Université Grégorienne de Rome. Depuis 1989, il est professeur de Théologie des Religions à la UFJF et du Programme de Post-Graduation en Science de la Réligion (PPCIR), de la même université.

 

(Publicado originalmente na revista Vida Pastoral de julho-agosto de 2007)

 

---------------------------------

Nenhum comentário:

Postar um comentário